Comment la crypto influence-t-elle la politique mondiale ?

Les cryptomonnaies ne sont plus seulement une tendance financière ou une innovation technologique – elles exercent aujourd’hui une influence croissante sur la politique mondiale. Leur nature décentralisée remet en question les systèmes financiers traditionnels, transforme les relations internationales et soulève des questions de souveraineté, de sécurité et de liberté individuelle.

Réglementation et nouvelles règles du jeu mondial

La crypto a poussé les gouvernements et les institutions internationales à redéfinir leur approche de la monnaie et des flux financiers.

• L’Union européenne a adopté le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), visant à créer un marché unique et réglementé pour tous les États membres et à offrir une plus grande sécurité juridique aux investisseurs.
• Les États-Unis ne disposent toujours pas d’une loi unique, mais d’un ensemble de règles édictées par différents régulateurs comme la SEC et la CFTC, ce qui crée de l’incertitude mais aussi un espace pour l’innovation.
• La Chine a interdit en 2021 le trading et le minage de cryptomonnaies, tout en développant sa propre monnaie numérique de banque centrale (e-CNY) en réponse à la croissance mondiale de l’économie numérique.

Ces différentes stratégies montrent que la crypto est devenue une question géopolitique, et non plus seulement un phénomène financier.

Pouvoir financier et compétitivité des États

L’adoption des cryptomonnaies peut devenir un puissant levier politique. Les pays qui créent un environnement favorable aux startups blockchain et crypto attirent les investissements, de nouvelles entreprises et une main-d’œuvre qualifiée. Des exemples notables sont la Suisse, Singapour et les Émirats arabes unis, qui se positionnent aujourd’hui comme des centres mondiaux de l’industrie crypto.

Comment la Suisse est devenue le centre mondial de la crypto

Aujourd’hui, la Suisse est synonyme de sécurité, de confiance et d’innovation, des éléments clés qui ont également contribué à son succès dans le monde des cryptomonnaies. Alors que de nombreux pays débattaient encore de l’opportunité d’accepter ou non la crypto, la Suisse a su en reconnaître le potentiel à temps.

Plutôt que d’interdire ou de restreindre les cryptomonnaies, elle a choisi de les réglementer intelligemment, en établissant des règles claires pour que les investisseurs et les entreprises sachent ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Cette sécurité réglementaire a été déterminante : les entrepreneurs se sont sentis en confiance pour investir, et les innovateurs ont trouvé un espace pour se développer.

Le résultat est la naissance de la « Crypto Valley », le nom donné à la région autour de Zoug, près de Zurich.

Dès le début des années 2010, les premières entreprises blockchain ont commencé à s’y installer, attirées par :

• une fiscalité avantageuse,
• des règles commerciales simples,
• et une politique gouvernementale favorable aux nouvelles technologies.

Aujourd’hui, Zoug abrite des centaines de projets crypto et blockchain, allant des startups aux entreprises de renommée mondiale. La Crypto Valley a vu naître certaines des initiatives les plus influentes du secteur, notamment la Fondation Ethereum, l’une des organisations majeures de l’industrie.

Au-delà de ses avantages économiques, la Suisse possède une forte culture de la confidentialité et de la décentralisation – des valeurs étroitement liées à la philosophie des cryptomonnaies. Grâce à cette combinaison d’innovation, de stabilité et de confiance, le pays est devenu un leader mondial du secteur crypto et un exemple de la façon dont une politique visionnaire peut stimuler le progrès technologique.

À l’inverse, les pays adoptant une approche restrictive risquent une fuite de capitaux et d’innovations technologiques vers des marchés plus ouverts. Ainsi, la crypto devient un facteur déterminant de la compétitivité et de l’influence mondiale à long terme.

Crypto et sanctions internationales

L’un des aspects politiques les plus sensibles du crypto réside dans son rôle dans le contournement des sanctions. Comme les transactions sur la blockchain ne nécessitent ni banques ni intermédiaires, certains États et organisations soumis à des sanctions utilisent les cryptomonnaies pour effectuer des paiements internationaux.

Des exemples tels que l’Iran, le Venezuela ou la Russie montrent que la crypto peut servir d’outil de résistance aux restrictions financières imposées par des puissances ou des institutions telles que les États-Unis et l’Union européenne.

Ce phénomène ouvre de nouvelles discussions sur la sécurité mondiale et l’équilibre des pouvoirs à l’échelle internationale.

Venezuela – les cryptomonnaies comme réponse à l’hyperinflation

Le Venezuela est l’un des exemples les plus marquants de la façon dont les cryptomonnaies peuvent devenir un outil de survie dans un pays en crise économique.

Face à une hyperinflation extrême et à l’effondrement de la monnaie nationale (le bolívar), les habitants ont commencé à utiliser :

• Bitcoin et USDT (Tether) pour préserver la valeur et effectuer des transactions quotidiennes ;
• la plateforme Binance P2P comme principal moyen d’échanger et d’envoyer de l’argent depuis l’étranger ;
• le gouvernement a même tenté de lancer sa propre cryptomonnaie, le Petro, soi-disant adossée aux réserves de pétrole, afin de réduire la dépendance au dollar américain.

En résumé, la crypto est devenue pour les Vénézuéliens un refuge financier, leur permettant de protéger leurs économies et de recevoir des fonds de leurs proches vivant à l’étranger.

Russie – la crypto comme outil de résilience face aux sanctions

Après l’invasion de l’Ukraine en 2022, l’Occident a imposé de lourdes sanctions financières à la Russie, touchant les banques, les oligarques et les entreprises publiques.

La Russie a alors :

• exploré l’utilisation des stablecoins et du rouble numérique pour le commerce international, notamment avec des pays ne soutenant pas les sanctions ;
• accru son intérêt pour le minage et les transactions transfrontalières via la blockchain ;
• autorisé des transactions commerciales expérimentales en cryptomonnaies avec des pays alliés tels que l’Iran et la Chine.

En bref, la Russie utilise la crypto comme outil de résilience économique pour maintenir ses échanges internationaux malgré les sanctions.

Iran – utiliser la crypto pour contourner les sanctions

L’Iran fait face depuis des années à des sanctions américaines et européennes limitant son accès au système financier international et au marché du dollar.

Pour atténuer cette pression, le gouvernement iranien a :

• légalisé le minage de Bitcoin en 2019, à condition que les cryptomonnaies extraites puissent être utilisées pour importer des biens, contournant ainsi SWIFT et les réseaux bancaires internationaux ;
• délivré des licences aux entreprises locales de minage et instauré une surveillance étatique de la consommation énergétique ;
• selon plusieurs rapports, les importateurs iraniens utilisent Bitcoin et d’autres cryptomonnaies pour acheter des marchandises en Chine et dans d’autres pays, les transferts bancaires classiques étant impossibles.

En résumé, l’Iran se sert du crypto comme alternative aux paiements internationaux, notamment lorsque les sanctions bloquent l’accès aux dollars et au système bancaire mondial.

Dans ces trois cas, les cryptomonnaies se sont révélées être un instrument d’indépendance économique – qu’il s’agisse de contourner des sanctions, de stabiliser une monnaie ou d’accéder au marché mondial sans intermédiaires.

Cependant, cette pratique soulève de nouvelles questions de sécurité internationale, car la crypto peut aussi être utilisée par des États cherchant à échapper aux contrôles financiers mondiaux.

Transparence et politique intérieure

Les cryptomonnaies et la technologie blockchain influencent non seulement les relations internationales, mais aussi la politique intérieure. De nombreux responsables politiques et activistes estiment que la blockchain pourrait accroître la transparence des finances publiques et réduire la corruption.

Imaginez des budgets publics ou les dépenses de campagnes électorales enregistrés sur une blockchain publique.

Cette idée s’impose de plus en plus dans les débats sur l’avenir de la gouvernance et de l’administration publique.

Par exemple, chaque don à une campagne électorale pourrait être affiché publiquement en temps réel – indiquant qui a donné, combien et quand. De la même manière, chaque euro dépensé par l’État pourrait être suivi depuis son allocation jusqu’à son utilisation finale.

Un tel système réduirait considérablement les risques de corruption et de manipulation, limiterait les abus de fonds publics et renforcerait la confiance des citoyens.

Des pays comme l’Estonie et la Suède expérimentent déjà la blockchain dans l’administration publique, tandis que certaines organisations et ONG développent des prototypes de systèmes blockchain pour le suivi des dépenses publiques et la transparence électorale.

À l’avenir, cette approche pourrait devenir la nouvelle norme démocratique, où la technologie ne servirait pas seulement à innover dans la finance, mais aussi à renforcer le lien de confiance entre l’État et les citoyens.

Les monnaies numériques des banques centrales (MNBC / CBDC)

En réponse à la croissance des cryptomonnaies, de nombreux pays développent leurs propres monnaies numériques de banque centrale – CBDC (Central Bank Digital Currency).

• La Chine est en tête avec son projet e-CNY.
• L’Union européenne étudie le euro numérique.
• Les États-Unis examinent la possibilité d’un dollar numérique, mais avancent avec prudence en raison des risques liés à la vie privée et à la liberté individuelle.

Les CBDC montrent que les gouvernements souhaitent conserver le contrôle sur la monnaie et les systèmes financiers, tout en s’inspirant des avantages démontrés par les cryptomonnaies.

Comment les élections influencent le marché crypto

Bien que les cryptomonnaies soient souvent présentées comme indépendantes de la politique et des institutions étatiques, il est devenu évident ces dernières années que les événements politiques – en particulier les élections – ont une forte influence sur le marché.

Les décisions politiques et les déclarations des candidats peuvent provoquer des fluctuations soudaines des prix, les investisseurs réagissant à leurs attentes concernant les futures régulations et l’attitude des gouvernements envers les actifs numériques. Lorsque des responsables politiques annoncent une réglementation favorable à la crypto, le marché y voit un signe de stabilité et de croissance. À l’inverse, l’annonce de mesures plus strictes peut susciter la peur et déclencher des ventes massives.

Un exemple marquant s’est produit lors de l’élection présidentielle américaine de 2024. Pendant la campagne, chaque fois que les candidats évoquaient leurs plans de régulation du secteur crypto, le marché réagissait presque instantanément. Après la victoire de Donald Trump, connu pour sa position pro-crypto, le prix du Bitcoin a bondi, dépassant les 90 000 dollars, puis les 100 000 dollars un mois plus tard.

Ces réactions montrent que les cryptomonnaies sont désormais sensibles aux signaux politiques, tout comme les marchés financiers traditionnels. Pour l’investisseur moyen, cela signifie que les nouvelles politiques peuvent influencer la valeur de son portefeuille autant que l’analyse technique ou les mouvements boursiers.

En somme, la politique et la crypto ne sont plus deux mondes séparés : chaque déclaration, projet de loi ou résultat électoral peut changer la direction du marché en quelques heures seulement.

Une nouvelle ère du pouvoir : quand la politique rencontre la crypto

Les cryptomonnaies ont évolué d’une simple innovation technologique à un phénomène politique mondial. Elles transforment les lois, les relations internationales et les fondements mêmes du système financier. Certains États perçoivent la crypto comme une menace pour leur pouvoir, tandis que d’autres y voient une opportunité de croissance et de renforcement de leur position mondiale.

Dans les années à venir, la politique mondiale et la crypto seront de plus en plus étroitement liées. Les questions de réglementation, de liberté financière et d’intérêts géopolitiques façonneront une nouvelle réalité économique et politique.